La Reine Sanglante.

Messages : 135 Date d'inscription : 06/02/2009

Il vient de pleuvoir. Depuis dix ans il pleut toujours, encore et encore... presque sans interruption. Elle s'ennuie. Elle pose machinalement les pieds dans l'eau, qui se teinte de rouge. Ses fidèles... Où sont ses fidèles? Elle a l'impression qu'ils l'abandonnent, un à un.
Tous ? Non. Ce n'est même pas un sacrieur... Mais il en reste un, rallié à sa cause envers et contre tout. La Reine soupire. Elle se souvient des temps anciens... On la craignait, alors. Qu'est-elle devenue à présent? Elle s'ennuie. Même jeter des prisonniers du haut de la Tour des Supplices ne lui apporte plus aucune jouissance. Peut-être que sortir de son palais lui ferait du bien... Peut-être.

L'eau à ses pieds s'est changée en une flaque de sang. Pensivement, elle y plonge un doigt et le porte à sa bouche. Même le sang perd de sa saveur. Elle s'ennuie... La vérité la frappe comme une évidence. Plus personne ne lui fait des offrandes, plus personne ne croit en elle... C'était une reine, pourtant. une reine sauvage et farouche, aux yeux étincelants. Une reine fière qui ne connaissait pas la pitié. Bien peu ont su émouvoir son coeur, des fidèles aussi intrépides qu'elle,le plus souvent. Des fidèles qui, plus que quiconque, avaient l'amour des combats...
Elle s'entaille le doigt d'un geste machinal et regarde le sang ouler de la blessure. Ce disciple, le dernier qui lui reste, peut-être... Comment s'appelle-t-il déja? Ah, oui. Bougi-bougi. Elle s'imagine le visage de l'osamodas, défiguré par un rictus de plaisir sous la caresse du fouet. Etrange. Elle s'imagine le sang couler sur la peau de l'homme, sur ses mains, puis sécher lentement. Etrange, pour un osamoda. Elle ne l'a jamais vu, lui son plus fidèle vassal, qui lui présente pourtant ses respects chaque matin, perché au sommet de la Montagne des Koalaks... C'est encore trop bas pour son palais, construit en équilibre sur une falaise rocheuse qui menace constamment de s'écrouler.

La pluie nocture s'est arrêtée... Une légère brise ébouriffe ses longs cheveux rouges; elle plonge son regard dans l'eau rougie de la flaque répandue à ses pieds. Il est temps de voir ce que fait son fidèle... Il parle. Il parle avec un iop, fort, brutal. Elle aime les iops, ne serait-ce que pour leur ardeur belliqueuse. Il rit avec un xélor, devant la dépouille d'un Chêne Mou. Les xélors l'ont toujours laissée perplexe. Comme s'ils préféraient torturer lentement, tuer à petit feu. Cela lui plaît. Puis un autre iop, un enutrof à l'air bougon, un éniripsa... Sans intérêt. Un écaflip qui fait rouler une pièce entre ses doigts... Elle l'observe d'un regard distrait. Peut-être peut-il se révéler utile... Deux grands srams, ricanant de concert; voilà qui promet un agréable spectacle. Elle a toujours aimé la sournoiserie. Et puis, au milieu de tous ces hommes, une pandawa qui regarde vers le lointain, une petite sadidette sur les genoux. Elle hait les femmes, pour leur faiblesse d'esprit et de coueur...

La Reine s'apprête à détourner le regard quand, lentement, la petite sadidette lève les yeux vers elle. Un regard qui la fixe, pénétrant. La petite fille sourit; ses dents sont teintées de rouge...La Reine secoue la tête. Son disciple est parmi eux, comme le coeur d'une grande famille. Il rit beaucoup, il combat beaucoup, il badine avec tout le monde... Avec des hommes? Etrange... Elle observe les drames quotidiens qui rythment sa vie. Beaucoup de violence, beaucoup de larmes. Des disputes violentes pour l'amour, l'amour encore, l'amour toujours... Des alliés qui meurent, qui souffrent, parcourus de mille blessures. Des attitudes suicidaires, parfois, qu'elle apprécie au plus haut point.
Elle détourne ses yeux de la flaque et sourit. Il faut qu'elle lui parle. Il le faut. Le vent emporte sa voix, guère plus qu'un souffle, annonciateur de promesses sanglantes. Un nom erre sur ses lèvres:
"Bougi-bougi..."

Sa main se tend comme pour retenir un mirage. Dans la flaque de sang, tout s'est figé. L'osamoda lève les yeux dans sa direction, si surpris qu'il en laisse tomber son marteau sur son pied. Il sourit, sa langue passe sur ses lèvres prestement, puis il ramasse son marteau avec un grognement de douleur et de plaisir mêlés. La Reine répète son nom, encore et encore, comme une litanie... Elle chuchote ses instructions dans l'air du petit matin. A l'horizon, le soleil se lève... Sa couleur rougeâtre éveille les sens de la femme. Elle se brise un doigt d'un geste sec et soupire de bonheur. Enfin... sa gloire renaît.

Messages : 56 Date d'inscription : 31/05/2009

Bravo ! , vraiment géniale le RP Wink

» Cirdan [candidature]